
Par REGHAI Yasmina
Il faut le reconnaître: nos réformes de l’enseignement supérieur ont du panache. Entre l’intégration des soft skills, l’apprentissage renforcé des langues étrangères et l’injonction à former des « citoyens du monde», on croirait presque à une révolution pédagogique. Pourtant, dans les amphis, un détail persiste: certains étudiants peinent encore à aligner trois phrases sans faute, que ce soit en français… ou en anglais. Cherchez l’erreur.
Le grand écart pédagogique: d’un côté, les universités et grandes écoles rivalisent d’innovations: cours d’«intelligence émotionnelle», ateliers de «pensée critique», modules de « communication interculturelle». De l’autre, des copies truffées de «comme même» et de « malgré que » nous rappellent que la maîtrise des bases linguistiques reste un luxe.
L’ironie? On enseigne le leadership à des étudiants qui, parfois, ne parviennent pas à rédiger un email sans l’aide de Google Translate.
Bien sûr, les soft skills sont importantes. Savoir travailler en équipe, gérer son stress ou pitcher un projet en 180 secondes, c’est utile.
Mais quand un étudiant écrit « je vais au bibliothèque pour améliorer mon compétence en anglais », on se dit que la priorité n’est peut-être pas là où on le croit.
Parlons-en, de l’anglais. Les réformes promettent des diplômés bilingues, voire trilingues. La réalité ? Beaucoup peinent à comprendre un épisode de “Friends” sans sous-titres. Les cours d’anglais académique ? Trop souvent réduits à des exercices mécaniques, loin de l’aisance orale tant vantée. Résultat : on forme des experts en “business English”qui butent sur la conjugaison du présent simple.
Et le français dans tout ça ? Il n’est pas épargné. Entre les rapports bourrés de tournures alambiquées souvent pour masquer un fond creux et les présentations PowerPoint truffées de fautes d’accord, on frôle parfois la tragédie linguistique.
La pointe d’ironie ? On exige des étudiants qu’ils « pensent outside the box » avant de maîtriser… la boîte de base.
Réformer oui, mais pas à l’aveugle:
Faut-il pour autant rejeter ces réformes ? Non. Les compétences transversales et les langues sont indispensables. Mais peut-être serait-il temps d’assurer les fondations avant de peindre la façade. Un peu moins de “workshops”sur la « disruption » et un peu plus de dictées, de grammaire et de conversations basiques, par exemple.
En somme, l’enseignement supérieur a le mérite de viser haut. Dommage qu’il oublie parfois que pour atteindre les étoiles, il faut d’abord savoir écrire correctement « étoile ».