
Par REGHAI Yasmina
Le Maroc contemporain est traversé par une mutation sociale aussi fascinante qu’inquiétante. À travers l’essor fulgurant du padel, la consommation ostentatoire de matcha et l’engouement pour les figurines Labubu, se dessine le portrait d’une nouvelle bourgeoisie déconnectée des traditions locales, avide de signes extérieurs d’appartenance à une modernité globalisée.
1. Le Padel: Un Sport ou un Rituel de Distinction ? Le padel, mélange hybride de tennis et de squash, s’est imposé comme le loisir privilégié d’une élite urbaine en quête de reconnaissance. Derrière l’argument sportif se cache une réalité plus prosaïque : ce jeu, pratiqué dans des enclos climatisés à des tarifs prohibitifs (500 DH/heure et plus), est avant tout un marqueur social.
À Casablanca, Rabat ou Marrakech, les clubs de padel prolifèrent, miroirs d’une société où le paraître prime sur l’être. Les tenues techniques, les accessoires dernier cri et les after-matchs sur les rooftops participent d’une mise en scène permanente. Le padel n’est plus un simple sport ; c’est un théâtre où l’on joue son statut bien plus que la balle.
2. Le Matcha: L’Exotisme comme Nouveau Standard: Le thé à la menthe, symbole ancestral de l’hospitalité marocaine, cède peu à peu du terrain face au matcha, cette poudre verte importée, aussi amère que son adoption est artificielle. Consommé moins pour ses vertus supposées que pour son potentiel photographique (#HealthyLifestyle), le matcha illustre une tendance plus profonde : le rejet des racines au profit d’un cosmopolitisme de façade.
Que signifie cette préférence pour une boisson japonaise au goût souvent décrié, si ce n’est une volonté de se démarquer d’une culture jugée trop « locale », trop « populaire » ? Derrière chaque tasse de matcha se lit une forme de mépris de classe, une aspiration à se fondre dans une élite mondialisée, au détriment des saveurs et des rituels qui ont forgé l’identité marocaine.
3. Labubu: La Compensation Matérialiste d’une Quête de Sens:
Après l’effort (relatif) du padel et la consommation performative du matcha, place à la consolation matérielle : les Labubu. Ces figurines, aussi onéreuses que discutables sur le plan esthétique, sont devenues l’objet fétiche d’une génération prête à dépenser sans compter pour des futilités érigées en « investissements ».
L’attrait pour ces produits, souvent achetés sous l’influence des réseaux sociaux, révèle une société en proie à un vide existentiel. À défaut de valeurs solides, on collectionne les artefacts d’une culture consumériste, où la possession remplace l’être, et où l’authenticité se mesure au nombre de limited editions acquises.
En conclusion, notre Société est elle en Perte de Repères?
Le padel, le matcha et les Labubu ne sont que les symptômes d’un malaise plus profond : celui d’une bourgeoisie marocaine tiraillée entre tradition et mondialisation, entre authenticité et mimétisme. En adoptant aveuglément les codes d’un Occident fantasmé, cette nouvelle élite ne risque-t-elle pas de se couper définitivement des réalités sociales et culturelles du pays ? Car derrière ces tendances se cache une question essentielle : peut-on vraiment construire une identité moderne en reniant ce qui nous fonde ? Le vrai luxe ne serait-il pas, finalement, de renouer avec l’essentiel – plutôt que de courir après des illusions éphémères?
Par une Observatrice d’une société en pleine métamorphose et ancienne joueuse de tennis, adepte des valeurs sportives traditionnelles.