Art

Chaâbi: révolution sur scène ou folklore sous cellophane ?

Par Reghai Yasmina

Hier relégué aux salons familiaux, coincé entre un thé trop sucré et les blagues de tonton, le chaâbi fait aujourd’hui son show. Festivals branchés, collab’ avec des DJ électro, rappeurs en quête de racines : le voilà sur tapis rouge. Hamid El Kasri en star internationale, Darga qui chamboule les codes… et les puristes qui s’étouffent dans leurs gandouras. Mais derrière le vernis hype, vraie renaissance ou opération marketing pour vendre du « tradi-chic » à une jeunesse qui cherche un miroir?

Chaâbi remix: quand la gnawa s’invite en boîte

Voir un maâlem remplir des salles à Paris ou New York, avouons-le, ça a de la gueule. Surtout quand on se souvient que, hier encore, le chaâbi vivotait dans les mariages et les souks. Aujourd’hui, synthés et basses dopent les percussions, et les jeunes qui fuyaient cette musique « de vieux parents» en font un symbole de coolitude.

Mais est-ce vraiment un nouveau souffle… ou juste une mise en scène pour festivals instagrammables ? Darga fusionne avec talent, oui, mais à force de tirer sur la corde, le chaâbi risque de se transformer en simple produit d’export : assez « roots » pour séduire les bourgeois bohèmes “bobos”, assez lisses pour passer en playlist.

Yasmina Reghai
Du chant rebelle au décor de soirée ?

Le danger, il est là : voir le chaâbi devenir une bande-son « ethnic-chic », où le bendir et les qraqebs ne sont plus que des accessoires de déco. Featurings gadgets, reprises aseptisées, algorithmes heureux… mais où est passée l’âme populaire, vibrante, parfois subversive de cette musique ?

Pourtant, quand ça marche, c’est de l’or. El Kasri, par exemple, ne surfe pas sur la tendance : il prolonge un héritage vivant. Pas besoin d’artifice pour sentir que ses notes frappent au cœur, peu importe qu’il soit sur scène à Essaouira ou à Londres.

Et maintenant ?

Révolution ou produit dérivé ? Les deux, peut-être. Le chaâbi évolue, et tant mieux. Mais s’il se résume à un chaâbi « light » pour stories et selfies, alors autant ressortir les vieilles cassettes et laisser les esprits d’antan faire le job.

En attendant, une chose est sûre : le chaâbi a quitté la médina pour la scène. À nous de décider s’il reste un art vivant… ou juste un souvenir exotique à consommer sous filtre.

Morale de l’histoire : Un maâlem avec une basse, c’est sympa. Mais un maâlem qui fait vibrer les tripes ? Là, c’est du sérieux.

Au final, qu’on l’écoute sous un ciel étoilé ou sous un néon, le chaâbi n’a qu’un juge : nos tripes. Les algorithmes, eux, peuvent toujours aller se faire accorder.

Yasmina Reghai
“Dire tout haut ce que le Maroc pense tout bas.”

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