
Manale Rmili
Le 7 septembre 2025, Casablanca vivra une nuit hors du commun. Au-dessus des immeubles, des plages et des esplanades de la corniche, les habitants pourront assister à l’un des spectacles les plus impressionnants que le cosmos offre, une éclipse lunaire totale. Dans l’ombre de la Terre, la Lune se teintera d’un rouge incandescent, un phénomène poétiquement surnommé Lune de sang.
Un ballet céleste minutieusement orchestré
Selon les données de l’Observatoire astronomique et confirmées par Time and Date, l’éclipse débutera à 16h42 (heure locale) par une phase pénombrale quasi imperceptible. Mais à 18h31, la Lune entrera pleinement dans l’ombre de la Terre, inaugurant la totalité. Le spectacle atteindra son apogée à 19h11, avant que la Lune ne sorte progressivement de l’ombre terrestre à 19h52, pour disparaître de la phase d’ombre vers 21h55.
À Casablanca, ville moderne et lumineuse, l’événement sera parfaitement visible avec un horizon dégagé vers le sud-est et l’est. Toits d’immeubles, corniche et espaces ouverts se transformeront en véritables observatoires improvisés.
La Lune rouge n’est pas une menace, mais un jeu subtil de lumière. Les rayons solaires, filtrés par l’atmosphère terrestre, diffusent les longueurs d’onde bleues et vertes, ne laissant passer que les rouges, projetés sur la surface lunaire. Ce phénomène scientifique, clair et mesurable, se double d’une dimension poétique, la Lune se transforme, l’astre immuable se révèle fragile et changeant.
Dans la poésie arabe classique, la Lune est symbole de beauté, de constance et de lumière. Le poète marocain Ahmed Rami évoque la Lune comme un miroir des émotions humaines: «La Lune s’incline dans le ciel, et dans son reflet mon cœur s’éveille»
Une Lune rouge, éclipsée, résonne avec ces métaphores, la lumière voilée, la passion contenue, le temps suspendu.
Une mémoire culturelle profonde
Depuis l’Antiquité, les éclipses lunaires fascinent et inquiètent. Dans la tradition islamique, elles étaient marquées par la prière salat al-kusuf, signe de respect et de stupeur devant ces événements célestes. Au Maroc, pays de poésie et de contes, la Lune occupe une place symbolique forte. Dans les récits populaires, une Lune rouge préfigure parfois des changements ou des transformations intérieures, renforçant le lien entre cosmos et culture humaine. Comme le rappelle le poète marocain Abdellatif Laâbi: «La Lune se teinte de sang et le monde retient son souffle, écoutant le silence des étoiles»
Ces vers résonnent avec l’expérience que vivront les Casablancais, unissant contemplation, émotion et symbolique culturelle.
Ce spectacle, au-delà de son aspect scientifique, transforme la ville en lieu de communion. La corniche, les espaces ouverts et même les toits d’immeubles deviendront des points de rencontre pour observer ensemble la Lune, mêlant science, poésie et mémoire collective. Chacun, du promeneur au poète en passant par l’amateur d’astronomie, pourra se connecter à l’univers et à son propre imaginaire.
Entre ombre et lumière: un symbole universel
La Lune, symbole de clarté et de constance, se retrouve assombrie puis transformée. Elle devient le miroir des cycles humains, obscurcissement, transformation, renaissance. Cette vision, universelle, prend une résonance particulière dans une époque marquée par des bouleversements rapides et des incertitudes. Voir la Lune traverser l’ombre et revenir à la lumière, c’est retrouver une forme d’espérance et de continuité.
Le 7 septembre, nul besoin de lunettes spéciales, l’éclipse sera totalement sans danger pour la vue. Jumelles ou télescopes sont optionnels. Ce qui importe, c’est le moment lui-même, lever les yeux vers le ciel, observer la Lune se transformer, et ressentir la poésie de l’astronomie et la profondeur de notre culture. Casablanca sera ainsi à la fois spectatrice et actrice de ce phénomène. Entre science et tradition, entre calculs astronomiques et vers poétiques, la Lune de sang rappellera à tous que le ciel continue de nous parler, et que chaque éclipse est une leçon d’humilité, de beauté et de mémoire.