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Quand le buzz piétine la vie privée

Par Reghai Yasmina

Au Maroc, il y a des drames silencieux qui ne se jouent pas seulement dans les tribunaux, mais dans les colonnes des journaux et sur les fils des réseaux sociaux. Ces drames, souvent plus cruels que la sanction judiciaire elle-même, portent un nom: le lynchage médiatique.

Prenons un fait divers récent: une jeune influenceuse marocaine, surprise au domicile d’un homme marié en compagnie d’une amie. L’épouse, blessée et en colère, alerte la police pour dénoncer un adultère. La loi marocaine, on le sait, est stricte sur ce sujet. La jeune femme est arrêtée, mise en garde à vue… puis relâchée faute de preuves. En principe, l’histoire aurait dû s’arrêter là. La justice a tranché, il n’y a pas d’infraction avérée.

Mais voilà : certains journalistes, tabloïds et apprentis chroniqueurs du sensationnel ne s’arrêtent pas à la vérité judiciaire. Ce qui les attire, ce n’est pas la nuance, mais l’éclat du scandale. Il suffit d’un titre racoleur, d’une photo arrachée à l’intimité, d’un récit tronqué pour transformer une rumeur en verdict populaire. Le tribunal du buzz est sans appel, et sa sentence – l’humiliation publique – est souvent irréversible.

Yasmina Reghai
Ce qui choque, au-delà du sort de cette influenceuse, c’est le mépris flagrant pour la vie privée. L’honneur d’une jeune femme, son avenir, ses relations sociales, tout peut être réduit en poussière par un clic, un “share”, un “like” devenu poison. À force de transformer les individus en proies médiatiques, on oublie qu’il s’agit de vies réelles, de familles, d’êtres humains.

Le journalisme digne de ce nom n’est pas un cirque. Son rôle n’est pas de juger ni de vendre des fragments d’intimité au kilo, mais d’informer avec responsabilité. La quête du buzz est une drogue dure : elle rapporte des clics, mais elle détruit des existences.

Il est temps de se poser une question essentielle : à quoi bon dénoncer le voyeurisme des réseaux sociaux si les médias eux-mêmes s’y adonnent avec avidité ? Le respect de la vie privée n’est pas un luxe. C’est une barrière fragile qui protège notre humanité. Et quand elle cède, c’est toute une société qui perd en dignité.

Le cirque du buzz amuse la foule, mais détruit toujours son clown involontaire. Qu en dites vous?

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