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Jeunesse marocaine : entre victoire, mobilisation et reconnaissance politique

MANAL RMILI
Alors que le Maroc célèbre la victoire de sa sélection U20, la Génération Z affirme sa présence dans la rue et sur la scène politique. Le gouvernement, de son côté, adopte une réforme historique pour encourager la participation des jeunes au Parlement.

Depuis quelques semaines, la jeunesse marocaine fait la une de l’actualité. La victoire de la sélection nationale des moins de 20 ans à la Coupe d’Afrique U20 a provoqué un élan de fierté et d’unité à travers le pays. Sur les réseaux sociaux comme dans les rues, cette réussite est devenue le symbole d’une génération ambitieuse, capable de relever les défis et de faire briller les couleurs nationales. Dans le même temps, la Génération Z marocaine multiplie les mobilisations pacifiques dans plusieurs villes. Ses revendications portent sur des questions sociales, environnementales et politiques. Pour beaucoup, ces rassemblements sont l’expression d’une jeunesse qui refuse la passivité et réclame une voix réelle dans les décisions publiques. «Ces jeunes ne rejettent pas la politique, ils cherchent une nouvelle manière de s’y engager», estime un sociologue de Rabat, soulignant «l’évolution d’une conscience citoyenne active, connectée et critique».

C’est dans ce climat d’effervescence que le Conseil des ministres du 19 octobre 2025, présidé par le Roi Mohammed VI, a adopté un projet de loi organique relatif à la Chambre des représentants. Cette réforme ambitieuse vise à faciliter l’accès des jeunes de moins de 35 ans à la vie politique, en introduisant notamment un soutien financier public couvrant jusqu’à 75 % des dépenses de campagne pour les candidats de cette tranche d’âge, qu’ils soient membres d’un parti ou candidats indépendants.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité de la Constitution de 2011, dont l’article 33 engage les pouvoirs publics à favoriser la participation des jeunes à la vie politique, économique et culturelle du Royaume. Elle vient aussi prolonger l’esprit de la Loi n°89-15 de 2018, ayant institué le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative (CCJAA). «La jeunesse n’est plus un simple objet de discours, elle devient un acteur central du changement», analyse un politologue casablancais. Malgré ces signaux positifs, les obstacles restent nombreux. Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), plus de 70 % des jeunes Marocains déclarent ne pas avoir confiance dans les partis politiques.

Le manque d’accès aux responsabilités, la lenteur du renouvellement des élites et le sentiment de distance entre dirigeants et citoyens nourrissent une certaine désillusion. Toutefois, cette méfiance n’équivaut pas à un désengagement. Les jeunes Marocains s’expriment autrement, dans les associations, à travers des campagnes numériques, des projets communautaires et, désormais, dans la rue. Cette évolution traduit une redéfinition du militantisme, plus horizontale, plus spontanée et souvent plus efficace que les voies politiques traditionnelles.
Le triomphe des U20 et la réforme du 19 octobre 2025 apparaissent ainsi comme deux faces d’un même mouvement, la reconnaissance du potentiel de la jeunesse marocaine.

L’État, en lançant cette réforme, semble vouloir institutionnaliser cette énergie et lui donner une traduction politique concrète. Dans le même temps, les victoires sportives rappellent que la jeunesse du Royaume peut, lorsqu’elle est soutenue et encadrée, accomplir de grandes choses. « Le Maroc des jeunes existe déjà ; il suffit maintenant de lui ouvrir les portes de la décision », confie un militant associatif de Fès, enthousiaste mais prudent face aux promesses politiques.

L’intégration des jeunes dans la vie publique ne relève plus d’un simple choix politique, c’est un impératif national. Les programmes publics tels que INDH, Intelaka ou Forsa ont ouvert des voies économiques, mais la réforme récente ambitionne d’aller plus loin, faire de la jeunesse un véritable acteur institutionnel.

Si le projet de loi est adopté par le Parlement et promulgué au Bulletin officiel, il marquera une étape décisive vers une démocratie plus inclusive. Mais comme le rappellent plusieurs observateurs, la réussite dépendra de la volonté des partis à ouvrir leurs rangs et à écouter cette génération en quête de sens et de responsabilité.

Entre la passion des stades, les mobilisations citoyennes et les réformes politiques, la jeunesse marocaine démontre qu’elle est à la fois le miroir et le moteur du Maroc de demain. Qu’il s’agisse de défendre un maillot, une idée ou une cause, elle incarne désormais une même ambition, celle d’un pays confiant, moderne et uni autour de ses jeunes.

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