
Par Yasmina Reghai
Il fut un temps où on respectait les gens compétents. Aujourd’hui, on respecte ceux qui savent se vendre. La compétence, c’est has-been. Le nouveau diplôme s’appelle branding personnel.
Bienvenue dans le Maroc 3.0, royaume des profils LinkedIn vitaminés, des “leaders inspirants” sans expérience et des “experts en tout” qui n’ont jamais rien produit. Ici, on brille avant d’agir. On affiche avant d’apprendre. Et surtout, on soigne sa “bonne image” comme d’autres soignent leur foi.
On ne parle plus de ce qu’on fait, on communique dessus. La réussite n’a plus besoin de preuves, juste d’un bon filtre et d’un texte pseudo-motivant. “Je suis fier d’annoncer que j’ai participé à un projet extraordinaire !” lequel ? mystère. L’important, c’est la photo.
Les entreprises, elles, suivent la tendance : elles recrutent des profils “qui incarnent les valeurs de la marque”, même si la marque ne sait plus très bien ce qu’elle incarne. Le paraître a remplacé le savoir-faire. Le fond a cédé la place à la forme et la forme, elle, a un bon photographe.
Dans les grandes écoles , on apprend à “pitcher son projet”, pas à le construire. Dans les associations, on fait des conférences sur le leadership avant d’avoir dirigé quoi que ce soit. Et dans les soirées, chacun devient une marque : on ne dit plus “je suis enseignant”, on dit “je suis un acteur du changement éducatif”. Rien que ça.
Notre société est devenue un grand plateau d’influence : un peu de storytelling, un soupçon de networking, et beaucoup d’ego. L’humilité est suspecte, le silence est dangereux, l’authenticité ne fait pas d’audience.
Mais derrière les filtres et les slogans, il y a souvent un vide poli. Une société où l’image est devenue une monnaie d’échange, un moyen d’appartenir à cette nouvelle aristocratie : celle de la visibilité.
Et pendant qu’on brande nos vies, on oublie de les vivre.
Par Yasmina, votre chroniqueuse non labellisée, mais encore authentique sans sponsor ni storytelling.




