
Par Yasmina REGHAI
Il fut un temps où les couleurs avaient du caractère. Le rouge criait, le bleu rassurait, le rose s’assumait, et même le jaune osait briller sans se demander s’il dérangeait. Aujourd’hui, tout semble filtré, atténué, politiquement correct jusqu’à la couleur.
Regardez les vitrines : les pastels sont devenus des standards, les beiges pullulent, et les marques parlent fièrement de “tons neutres” comme si le gris clair était une révolution sociale. La génération d’avant arborait ses couleurs comme des drapeaux ; la nôtre les dilue dans le silence de la conformité chic.
Même Apple, ce maître du “cool”, a troqué ses iPhone flashy contre une palette de non-couleurs. Prenez le dernier né, l’iPhone 17 orange — un orange si timide qu’il hésite entre la pêche et la nostalgie du cuivre. Rien à voir avec les iPods bleus électriques ou les MacBooks turquoise de nos années pop. On dirait que même les géants de la tech ont peur de déranger la rétine d’un consommateur devenu beige par conviction.
Mais derrière cette neutralité assumée, il y a peut-être un malaise : celui d’une époque qui veut tout lisser. Les couleurs divisent, paraît-il. Trop genrées, trop marquées, trop expressives. Alors on les efface, on les fond, on les rend safe. Le monde devient un long feed Instagram en ton crème, sans contraste ni surprise.
On appelle ça la modernité. Moi, j’y vois une mélancolie chromatique. Une époque où même les arc-en-ciel semblent sous contrat de discrétion.
Votre chroniqueuse qui refuse de passer en mode “neutre” — même face à un iPhone couleur timidité.




