
«Quand l’été rime avec vulnérabilité»
Manale Rmili
Entre camps, plages et festivals, l’été marocain devient trop souvent le théâtre de drames sexuels visant les mineurs. La honte s’installe, mais les solutions tardent.
Chaque été au Maroc, l’actualité est rythmée par des drames qui ne devraient jamais exister. Des affaires d’abus sexuels sur mineurs ressurgissent, rappelant qu’au cœur de moments censés être festifs ou éducatifs, l’enfance reste exposée à l’une des violences les plus insoutenables, le viol. Ces crimes, qui se répètent au fil des étés, renvoient l’image d’une société confrontée à une réalité dont elle n’est pas fière et qu’elle peine à affronter.
À El Jadida, en 2023, un responsable associatif, chargé d’encadrer des enfants lors d’une sortie estivale, a été arrêté après avoir été surpris en train d’abuser d’un mineur.
L’homme, censé protéger, s’est révélé être un prédateur. L’affaire avait soulevé une question essentielle, qui veille réellement sur les enfants confiés à ces structures?
La même année, une autre affaire a bouleversé le pays, une fillette violée par trois hommes. Le verdict, vingt ans de prison ferme pour les agresseurs, avait été salué pour sa sévérité. Mais au-delà du jugement, c’est la brutalité du crime qui a laissé une trace indélébile dans les consciences.
Plus récemment encore, en août 2025, le Maroc a découvert avec effroi le calvaire d’un adolescent, 14 ans, agressé sexuellement par un groupe de personne lors du moussem de Moulay Abdallah Amghar, un festival populaire d’El Jadida. Livré à lui-même, il aurait été drogué avant de subir un viol collectif. Retrouvé en état critique, hospitalisé d’urgence puis transféré à Marrakech, il a survécu. L’Association marocaine des droits humains a dénoncé un «crime atroce» et appelé à une réponse judiciaire exemplaire.
Ces affaires ne sont pas de simples coïncidences. Elles révèlent une fragilité structurelle dans la protection des mineurs. Chaque été, les mêmes conditions se répètent, enfants laissés seuls dans les foules, encadrants insuffisamment formés ou contrôlés, activités organisées sans surveillance stricte. La saison estivale, censée être un moment de répit et de joie, devient paradoxalement une période de forte exposition. Les espaces de loisirs et de fête se transforment en zones de risque, où l’anonymat et le relâchement de la vigilance ouvrent la voie aux prédateurs. Le Maroc ne se reconnaît pas dans ces crimes, et chaque affaire suscite une indignation massive. Mais l’indignation, seule, ne protège pas.
Les associations comme Touche pas à mon enfant ou l’AMDH alertent depuis des années: il manque une politique de prévention ferme, des contrôles systématiques, des mécanismes d’écoute adaptés aux enfants et une vigilance collective constante.
Ce qui choque le plus, c’est la répétition de ces drames. La société marocaine ne les accepte pas, elle les dénonce, mais elle ne parvient pas encore à empêcher qu’ils se produisent. Chaque été, les mêmes blessures se rouvrent, les mêmes débats refont surface, et les mêmes promesses sont réitérées. Mais pendant ce temps, les enfants continuent de subir l’indicible.
La question demeure, brutale et urgente: jusqu’à quand faudra-t-il attendre pour que la protection des mineurs devienne une priorité absolue, au-delà de l’émotion et des condamnations judiciaires?