
Par Reghai Yasmina
Il y a des lois qui passent dans l’indifférence générale… et puis il y a la loi 19-25. Celle qui dit : «Stop aux croquettes sauvages». Et là, tout le monde se réveille: l’ami des bêtes, la voisine compatissante, le militant Facebook qui n’a jamais touché un chien de sa vie mais qui poste des photos de chiots italiens pour illustrer ses indignations.
Petit rappel juridique pour ceux qui s’imaginent qu’un reste de couscous dans une gamelle rouillée est un acte anodin: l’article 5 de ce projet de loi interdit à quiconque de nourrir, soigner ou héberger un animal errant—ce que Tes bons sentiments jugent noble—et l’article 44 prévoit une amende allant de 1 500 à 3 000 dirhams pour toute infraction constatée dans l’espace public ou même dans une copropriété résidentielle. En prime, les infractions graves comme tuer ou blesser un animal errant intentionnellement sont passibles de 2 à 6 mois de prison et d’une amende comprise entre 5 000 et 20 000 dirhams selon l’article 36 . Quant aux propriétaires négligents, l’amende peut grimper de 5 000 à 15 000 dirhams s’ils ne déclarent pas leur animal ou omettent le carnet de santé.
Sur le terrain, c’est une autre histoire. Les rues débordent de chiens errants, les marchés regorgent de chats aux yeux collés, et les vétérinaires parlent rage, leishmaniose et parasites comme d’autres parlent météo. Mais non, le vrai scandale, paraît-il, c’est qu’on interdise à Madame Tout-le-Monde de verser un reste de couscous dans une gamelle rouillée.
Ce qui est fascinant, c’est notre capacité à confondre un geste d’amour avec une politique publique. À croire qu’on pense vraiment qu’un sac de croquettes peut remplacer un vaccin, une stérilisation et un suivi vétérinaire. On ne veut pas d’animaux en souffrance… mais on ne veut pas non plus qu’on nous dise comment les aider. Résultat: on nourrit à la pelle… et on multiplie les malades. Bravo, mission accomplie.
La loi 19-25 n’est peut-être pas parfaite, mais elle a au moins un mérite : mettre en lumière notre allergie chronique à l’organisation. Ici, tout est affaire de cœur… jusqu’au moment où la tête devrait prendre le relais.
Les bêtes continueront à errer, les hommes à s’indigner… et moi, je vais me préparer du popcorn. Parce que ce spectacle-là, personne ne l’interdira.