
Par Reghai Yasmina
La peine de mort. Rien que le mot donne envie de changer de chaîne… ou de lancer un débat qui, en général, s’éteint plus vite qu’un feu de bougie dans un couloir d’hôpital. Au Maroc, on n’exécute plus depuis 1993, mais on garde la sentence dans le Code pénal comme un souvenir encombrant. Pas appliquée, pas abolie. Juste là, en veille. Alors, pourquoi ce silence poli autour du sujet?
Un Moratoire qui Dure, et Dure…
Depuis plus de trente ans, plus aucune exécution. On appelle ça un moratoire de facto. En clair: on suspend sans dire officiellement qu’on arrête. Et le débat reste coincé entre :
• Ceux qui veulent tourner la page, trouvant la pratique dépassée.
• Ceux qui craignent qu’abolir, ce soit “ouvrir la porte à l’anarchie” (comme si nos embouteillages n’étaient pas déjà assez chaotiques).
Résultat: on conserve la peine capitale comme on garde une vieille clé sans savoir à quelle porte elle correspond, “au cas où”.
Pourquoi ce Blocage ?
Trois raisons reviennent souvent, plus ou moins dites tout haut:
1. La Référence Religieuse : Certains estiment que la question est scellée par les textes. Pourtant, le Maroc a déjà su adapter certaines lois sans remettre en cause l’essentiel. La preuve : la polygamie, toujours permise mais presque impraticable, montre qu’on peut moderniser sans tout effacer.
2. Le Contexte Régional: Dans une région où certains pays appliquent encore la peine capitale, l’abolition pourrait être perçue comme un signe de naïveté.
3. La Réaction Populaire: Lors d’un crime particulièrement choquant, l’opinion réclame souvent des sanctions exemplaires. Difficile, dans ce climat, de défendre l’abolition sans passer pour déconnecté.
Aujourd’hui, le sujet semble coincé entre deux postures :
• Ceux qui préfèrent ne pas l’évoquer du tout, par prudence.
• Ceux qui considèrent que si la loi existe, elle doit rester, même si on ne l’applique pas.
Pourtant, dans les faits, le Maroc n’exécute plus. Alors, pourquoi ne pas aligner la loi sur la pratique ? Une disposition qui ne sert qu’à remplir les codes pourrait peut-être, un jour, trouver sa place… dans un musée de l’histoire juridique.
En attendant, la peine de mort reste comme un meuble ancien dans le salon : personne ne l’utilise, mais on le garde parce que “ça a toujours été là”.
Peut-être qu’un jour, on décidera de faire de la place. Mais pour l’instant, on continue d’éviter de trop dépoussiérer le sujet.
Par Yasmina Reghai –Chroniqueuse qui secoue les idées… sans renverser la table.