
Par Reghai Yasmina
Au Maroc, la culture se porte bien… sur les réseaux. Elle a de beaux filtres, un sourire intellectuel, et des citations soigneusement copiées-collées de comptes parisiens. On ne lit plus, on like. Et c’est beaucoup plus rapide.
Chez nous, la culture, c’est comme le café : on la commande, on en parle fort, mais on la digère rarement. Les mêmes qui se moquent d’un accent ou d’un arabe approximatif se perdent dès qu’il s’agit de lire trois pages sans images. On veut des poètes, mais on ne supporte pas qu’ils vivent autrement. On encense l’art, mais on trouve toujours ça “haram”, “inutile” ou “pas rentable”.
Dans certains cercles, être cultivé, c’est savoir citer Nietzsche sans le comprendre, ou dire “je lis du Nizar Kabbani” en croyant que c’est un café de Casablanca. La culture est devenue un accessoire de standing, un badge de distinction pour les dîners mondains : on la porte comme une montre de luxe, juste assez visible pour briller.
Et quand un vrai débat surgit, on l’enterre vite sous une avalanche de “tu comprends rien”, “trop intello”, “trop occidental”. La société adore les mots, mais pas les idées. Parce que penser, ça dérange. Et déranger, ça fait désordre.
Pendant ce temps, les artistes galèrent, les librairies se vident, et les festivals servent plus à faire des stories qu’à écouter des voix. On s’auto-congratule pour avoir assisté à “un événement culturel” sans jamais se demander ce qu’on en a retenu.
La vérité, c’est qu’on parle d’art comme on parle de tout ici : sans écoute, sans effort, mais avec beaucoup de confiance.
Plusieurs gens font semblant. Certains diront : « j ai acheté des livres qui décorent encore mes étagères comme des diplômes silencieux ». Parce qu’au fond, on ne veut pas apprendre, on veut impressionner. Ici, on ne lit pas les livres, on les montre. La couverture, c’est la culture.
On confond la culture avec le prestige. Lire n’est plus une curiosité, c’est une posture. Et celui qui ose dire qu’il ne lit pas devient presque un hérétique moderne.
La vérité, c’est qu’on parle d’art comme on parle de tout ici : sans écoute, sans effort, mais avec beaucoup de confiance.
Alors oui, on est cultivés. À notre manière. Une culture de façade, de paraître, de citations bien cadrées.Et si la vraie culture, c’était justement d’avoir honte de cette mascarade ? Parce qu’à force de jouer à paraître cultivés, on a oublié de l’être. Une culture en vitrine propre, brillante, et surtout, vide à l’intérieur.
Par Yasmina, votre chroniqueuse qui lit encore même sans hashtags.