
Sacre mondial U20: Santiago, c’est Rabat ce soir!
Santiago- Par Wahiba Rabhi – (MAP)
Quand l’arbitre italien Maurizio Mariani a sifflé la fin du match, le ciel du Chili a semblé se parer des mêmes teintes que les drapeaux brandis dans les tribunes. Rouge, vert, éclatant. Le Maroc venait d’écrire l’une des plus belles pages de son histoire footballistique: un sacre mondial U20, conquis par deux buts à zéro face à l’Argentine, nation tutélaire du football jeune.
Sur la pelouse du stade national Julio Martinez Pradanos, les Lionceaux se sont effondrés, entre rires, larmes et étreintes. Certains ont levé les bras vers le ciel, d’autres ont filé vers la tribune marocaine, où 43.253 spectateurs s’étaient massés.
«Marruecos campeon!» (Maroc champion) hurlaient les supporters d’une seule voix, drapeaux noués aux épaules, mains tremblantes de joie. Ils viennent de gravir l’impossible, dans un Santiago gagné par l’émotion.
Dès la 12e minute, le coup franc de Yasser Zabiri avait allumé la première étincelle, un tir précis qui a fait exploser une tribune déjà en transe. Le second but, signé par le même Zabiri à la 29e minute sur une percée fulgurante de Maamma, a mis le feu aux gradins. À chaque contre-attaque marocaine, un rugissement traversait le stade, accompagnant les passes et les dribbles qui faisaient vibrer la pelouse.
La diaspora marocaine au Chili, rejointe par ceux venus de Casablanca, de Washington, du Brésil, du Mexique, de Colombie, d’Argentine, du Royaume-Uni, d’Allemagne ou même de Finlande, s’est mêlée aux curieux chiliens et aux supporters de circonstance. Santiago vibrait comme Casablanca un soir de l’Aïd. Les téléphones formaient une constellation de lumières, les youyous coupaient les annonces du speaker, et les chants couvraient les haut-parleurs.
« C’est plus qu’une victoire, c’est une fierté nationale », lâche Youssef, venu d’Antofagasta (nord du Chili) avec sa fillette, après dix-huit heures de route. « Ils ont porté un peuple sur leurs épaules avec dignité, courage et foi. » Un autre, un Marrakchi surnommé Cojak, brandissait un drapeau rouge et vert sur lequel trônait fièrement l’image de Sa Majesté le Roi, incapable de prononcer un mot tant l’émotion était forte.
Parmi les voix chiliennes, celle de Valentina, venue de Los Angeles de Chile : « Tous les Chiliens sont avec le Maroc. On vous aime!» dit-elle en espagnol, au micro de la MAP.
L’image du capitaine Hossam Essadak brandissant la coupe, entouré de ses coéquipiers, est déjà entrée dans la mémoire collective. Derrière lui, le sélectionneur Mohamed Ouahbi sautait de joie, comme pour sceller une promesse tenue.
«C’est une joie énorme… Depuis des années, nous attendions de briser ce plafond de verre», s’est réjoui Ouahbi. « Je remercie SM le Roi Mohammed VI qui nous a permis de vivre ce rêve.» Sur le terrain, le trophée scintillait sous les projecteurs et les gerbes d’étincelles, tandis que les chants montaient encore, portés par un vent léger qui semblait vouloir les pousser jusqu’aux rives de l’Atlantique.
Dans les travées, «Dima Maghrib!» résonnait sans fin. Les drapeaux flottaient au-dessus des têtes, les visages ruisselaient de larmes et de lumière. Quelques Chiliens, conquis par la ferveur marocaine, tapaient des mains, filmaient, chantaient, certains improvisaient même des pas de danse. Les volontaires du tournoi esquissaient des chorégraphies au milieu des supporters, tandis qu’un parfum d’encens et de sueur se mêlait à la fraîcheur du soir.
À l’extérieur du stade, la fête s’est prolongée bien après la remise des médailles. Tambours, klaxons fusaient sur les avenues aux alentours. Les drapeaux marocains flottaient sur les toits de voitures de Marocains du monde, sur les épaules d’enfants. Le Chili, ce soir-là, avait adopté le Maroc.
« Je ne peux pas décrire mon émotion, c’est la première fois qu’on remporte une Coupe du monde », confie Bahae Senari, créateur de contenu suivi par plus de six millions de personnes, déjà présent à la CAN en Côte d’Ivoire et aux Jeux de Paris.
«Je veux tousser, rire, dormir, je ressens un mélange d’émotions», lance Mohamed Bahri, venu d’Ohio, un burger à la main. «J’avais peur de ce match, mais ils ont joué avec le cœur. Le public a pesé, la nouvelle génération d’entraîneurs aussi. » Il en est à sa troisième Coupe du monde, Russie comprise.
Son compatriote Adil, venu d’Atlanta, n’a pu articuler qu’une phrase, la voix étranglée par l’émotion. Une fois repris, il ajoute: «Cette victoire aujourd’hui montre au monde que notre qualification en demi-finale au Qatar n’était pas un hasard, mais le fruit d’un travail acharné». Il poursuit, avec fierté: «Aujourd’hui, on aborde chaque match avec l’esprit de gagner. Les joueurs ont cette fois inculqué que peu importe l’adversaire, ils sont prêts à tout pour le Maroc. » Autour d’eux, un même refrain, repris par toutes les bouches : « Santiago, c’est Rabat ce soir!» Et dans ce tumulte heureux, une évidence s’impose: le Maroc n’a pas seulement gagné un titre. Il a gagné un souffle, une émotion, une promesse. Celle d’une jeunesse qui ose rêver grand et qui, depuis un coin du monde, rappelle que la foi et la ferveur peuvent, parfois, faire basculer l’histoire.