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Harcèlement de rue au Maroc: entre “Machi mouchkil” et “Laisse, c’est un homme”

Par Reghai Yasmina

1. Le grand art de faire comme si
Au Maroc, le harcèlement de rue a trouvé son camouflage préféré : le déni. Élégant, ancestral, bien repassé. Il se faufile entre les regards appuyés et les “T’es pressée, khouya t’accompagne ?”, en prétendant que tout va bien. Normal, diront certains, «C’est pas du harcèlement, c’est de la galanterie marocaine ». On l’a tellement répété qu’on a fini par y croire.

Pour beaucoup, un sifflement, c’est du folklore. Un regard lourd, c’est juste “du charme”. Et un pas pressé derrière une femme ? Du sport urbain. En fait, si on écoutait certains, on devrait remercier ces poètes de trottoir pour leur performance artistique spontanée.

2. Les militantes et les moulins à vent:
Sur le terrain, des associations courageuses s’activent, souvent dans l’ombre, parfois dans le bruit. Elles parlent d’égalité, d’écoute, de respect. Elles organisent, sensibilisent, alertent. Et pendant ce temps, une partie de l’opinion publique leur explique qu’elles feraient mieux de “s’occuper de choses plus graves”.
C’est qu’elles osent bousculer l’ordre établi, rappeler que non, une femme n’est pas une invitation ambulante. Et ça, ça dérange. Parce que ça oblige à changer de regard. Et au royaume de l’habitude, le changement est suspect.

Yasmina Reghai
3. La loi, cet objet non identifié:
Depuis 2018, une loi punit le harcèlement. Sur le papier, c’est propre, ambitieux, bien formulé. Dans la rue, c’est une autre chanson. Entre les dépôts de plainte découragés et les regards complices dans certains commissariats, cette loi ressemble à une ceinture sans pantalon.

Il faut dire que dénoncer, c’est encore vu comme une provocation. “Tu veux salir ta réputation pour une histoire de sifflement ?” entend-on. La société, elle, préfère que les femmes baissent les yeux… pendant que d’autres lèvent la voix, en toute impunité.

4. Et pourtant, quelque chose frémit:
Malgré l’épaisseur du mur, quelques fissures apparaissent. Les réseaux sociaux deviennent des mégaphones, les vidéos dénonciatrices se multiplient, et certains garçons grandissent avec un discours différent. C’est lent, chaotique, souvent moqué… mais c’est là.

On n’en est pas encore à l’égalité sereine, mais les excuses toutes faites commencent à sonner creux. Même si le fameux “c’est notre culture” revient encore comme une rengaine fatiguée, certains refusent de l’applaudir.

Pas grave? Grave erreur.

Le harcèlement de rue au Maroc, ce n’est pas un détail, ce n’est pas un malentendu culturel, ce n’est pas une simple mauvaise habitude. C’est un indicateur. De ce qu’on accepte. De ce qu’on tolère. De ce qu’on transmet.

Alors non, ce n’est pas machi mouchkil. C’est un vrai problème. Et tant qu’on continuera de le minimiser au nom de l’honneur, de la blague, ou de la tradition, ce sont les femmes qui paieront l’addition.

En attendant que le respect devienne viral, mesdames, équipez-vous : regard franc, pas sûr, et répartie affûtée. Parce que oui, marcher dans la rue, c’est encore un acte de résistance.

#PasDesCibles #PasDesSilences
Par Yasmina, chroniqueuse des sujets qu’on préfère balayer sous le tapis berbère.

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