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Niveau de vie des ménages: une amélioration freinée par des disparités croissantes

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a publié les résultats de son Enquête nationale sur le niveau de vie des ménages 2022-2023, menée auprès de 18 000 foyers à travers le Royaume. Si le niveau de vie a globalement progressé au cours des dernières années, les inégalités sociales et économiques restent marquées. La classe moyenne peine à suivre le rythme, tandis que la vulnérabilité urbaine s’accentue. Décryptage des principales tendances révélées par cette étude.

Creusement des Inégalités
L’enquête révèle une progression du niveau de vie des ménages, bien que les inégalités persistent. Si les politiques de protection sociale ont réduit la pauvreté, elles n’ont pas empêché l’augmentation de la vulnérabilité pour les couches sociales non ciblées. Cette situation est particulièrement visible en milieu urbain, où le risque de déclassement social est en hausse.

Entre 2014 et 2022, la dépense annuelle moyenne par ménage est passée de 76 317 DH à 83 713 DH. Cependant, la progression a été freinée par la crise de la Covid-19. Ainsi, la croissance de la dépense moyenne a chuté de 3,1% entre 2014 et 2019 à -3,1% entre 2019 et 2022.

Changements dans les habitudes de consommation
Les ménages marocains ont modifié leurs prioritisations budgétaires. La part des dépenses alimentaires est passée de 37% en 2014 à 38,2% en 2022, tandis que celles consacrées au logement et à l’énergie ont augmenté de 23% à 25,4%. En revanche, les dépenses de loisirs et culture ont fortement reculé, passant de 1,9% à 0,5%, traduisant une pression financière accrue sur les foyers.

L’étude met en lumière une augmentation des inégalités socio-économiques. Le niveau de vie des 20% les plus aisés a progressé annuellement de 1,4% entre 2014 et 2022, tandis que celui des 20% les moins aisés n’a augmenté que de 1,1%. La classe moyenne a été la plus affectée par les crises récentes, son niveau de vie ayant chuté de 4,3% entre 2019 et 2022.

L’indice de Gini, qui mesure les inégalités de revenu, a augmenté de 39,5% en 2014 à 40,5% en 2022, après une baisse temporaire à 38,5% en 2019. Parallèlement, les disparités entre le milieu urbain et rural se sont stabilisées avec un rapport de 1,9 fois entre 2014 et 2022.

Pauvreté et la vulnérabilité en hausse
Malgré une baisse générale de la pauvreté absolue, passant de 4,8% en 2014 à 3,9% en 2022, certaines tendances inquiétent. En milieu rural, la pauvreté a reculé de 9,5% à 6,9%, tandis qu’elle a légèrement augmenté en zone urbaine (de 1,6% à 2,2%).

En parallèle, la vulnérabilité économique progresse, notamment en milieu urbain, où elle est passée de 7,9% en 2014 à 9,5% en 2022. Désormais, près de la moitié des personnes vulnérables vivent en ville, contre seulement 36% en 2014.

Pauvreté multidimensionnelle en recul
L’étude signale une réduction de la pauvreté multidimensionnelle, passée de 9,1% en 2014 à 5,7% en 2022, surtout en milieu rural. Toutefois, certaines régions restent particulièrement touchées, notamment Béni Mellal-Khénifra (11,6%) et Fès-Meknès (10,4%), qui concentrent 40% des cas.

Le revenu annuel moyen des ménages s’établit à 89 170 DH en 2022, avec une forte disparité entre le milieu urbain (103 520 DH) et rural (56 047 DH). Plus de 71,8% des ménages ont un revenu inférieur à la moyenne, soulignant l’écart entre une élite économique et une majorité de foyers aux ressources modestes.

Les salaires constituent la principale source de revenus (35,1%), suivis par les transferts publics et privés (21,3%). Ces derniers jouent un rôle crucial dans le soutien aux ménages, en particulier en milieu urbain.

Redistribution plus inclusive ?
L’enquête souligne le rôle clé des politiques sociales dans la réduction de la pauvreté, mais met en évidence un creusement des inégalités. La classe moyenne, peu bénéficiaire des dispositifs actuels, souffre d’une stagnation de son niveau de vie.

Les effets de la crise Covid-19 ont mis en lumière la nécessité de politiques publiques volontaristes pour renforcer la résilience économique des ménages. Une nouvelle évaluation permettra de distinguer les effets conjoncturels des tendances structurelles afin d’adapter les réformes futures à une meilleure redistribution des richesses et à une réduction des inégalités.

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