
Accusés d’avoir escroqué la Fifa, Platini et Blatter rejugés en appel
Près de trois ans après leur acquittement en première instance, Michel Platini et l’ex-président de la FIFA, Sepp Blatter, comparaissent de nouveau en appel devant la justice suisse à partir de ce lundi. En cause : l’affaire du paiement suspect de 2 millions de francs suisses qui a précipité leur chute en 2015.
Jusqu’à jeudi soir, la Cour d’appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral siégeant à Muttenz (près de Bâle) examinera les charges d’escroquerie, de gestion déloyale, d’abus de confiance et de faux dans les titres. Une condamnation pourrait leur valoir jusqu’à cinq ans de prison. Le verdict est attendu le 25 mars.
Souriant, Michel Platini est arrivé au tribunal vers 08h30 (GMT+1), non loin du stade Saint-Jacques, où il avait brillé en 1984 avec la Juventus. Il a été rejoint quelques minutes plus tard par Sepp Blatter, qui a déclaré aux journalistes: «Je suis un homme confiant».
Une affaire au carrefour du droit et de la politique
Les juges devront démêler près de 25 ans de relations troubles, depuis l’alliance initiale Platini-Blatter en 1998 jusqu’à leur rivalité, puis leur éviction conjointe du football mondial. Ils devront aussi faire la part entre les aspects judiciaires et le contexte politique qui entoure ce dossier.
Le parquet suisse reproche aux deux hommes d’avoir obtenu illégalement un paiement de 2 millions de francs suisses (environ 1,8 million d’euros) au profit de Michel Platini, au détriment de la FIFA. Cependant, en 2022, le tribunal de première instance les avait relaxés au bénéfice du doute, estimant que l’escroquerie n’était «pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude».
Le fameux paiement de 2 millions
Les faits ne sont pas contestés : Michel Platini a bien conseillé Sepp Blatter entre 1998 et 2002 et avait signé un contrat prévoyant une rémunération annuelle de 300 000 francs suisses, intégralement payée par la FIFA. Pourtant, en janvier 2011, soit huit ans après la fin de sa mission, Platini a réclamé 2 millions de francs suisses, montant versé par la FIFA avec l’accord de Blatter.
Pour l’accusation, ce paiement repose sur une manœuvre frauduleuse visant à tromper les contrôles internes de la FIFA, remplissant ainsi les critères de l’escroquerie.
Un «accord oral» jamais formalisé
De leur côté, Platini et Blatter soutiennent que cet argent correspondait à un salaire convenu oralement dès le départ, à hauteur d’un million de francs suisses par an, mais que les finances de la FIFA n’avaient pas permis son paiement immédiat.
«Quand Sepp Blatter m’a demandé combien je voulais, j’ai répondu : ‘Un million’. Il m’a demandé : ‘Un million de quoi ?’ J’ai plaisanté en disant : ‘Des pesetas, des lires, des roubles, des marks… c’est toi qui décides’. Il a conclu : ‘OK, un million de francs suisses’», avait raconté Michel Platini lors du premier procès.
Blatter avait confirmé cet accord de gentlemen, conclu sans témoin et sans qu’aucune provision n’ait été inscrite dans les comptes de la FIFA.
Infantino en toile de fond
Les deux accusés n’ont pas manqué de rappeler que cette affaire avait éclaté dans un contexte de guerre de succession à la FIFA. Ils avaient pointé du doigt le rôle potentiel de Gianni Infantino, ex-bras droit de Platini à l’UEFA et successeur surprise de Blatter en 2016. Infantino avait lui-même été visé en 2020 par une enquête sur des rencontres secrètes avec l’ancien chef du parquet suisse, avant que la procédure ne soit classée sans suite en 2023.
Malgré son acquittement en 2022, Michel Platini a clairement écarté l’idée d’un retour dans le football mondial. Ce procès d’appel sonne donc comme le dernier acte d’une longue saga politico-judiciaire qui a bouleversé la gouvernance du football international.