
Par Yasmina REGHAI
L’Université Virtuelle du Maroc (UVM) vient de lancer des licences 100 % en ligne dans des domaines aussi stratégiques que l’intelligence artificielle et la cybersécurité. Une initiative qui semble s’inscrire dans l’air du temps, entre modernisation de l’enseignement supérieur et démocratisation de l’accès au savoir. Pourtant, cette annonce suscite autant d’enthousiasme que d’interrogations.
L’accessibilité à portée de clic… mais à quel prix ?
Étudier à distance permet à de nombreux jeunes éloignés des centres universitaires de poursuivre des études supérieures, souvent incompatibles avec leur situation géographique, sociale ou professionnelle. Le numérique brise ainsi certaines barrières, mais il en érige d’autres : isolement des apprenants, autodiscipline exigée, faible interaction avec les enseignants… et un risque réel de dilution des compétences.
L’UVM promet des formations encadrées par des experts, avec des supports accessibles en tout temps. Mais l’illusion de disponibilité ne remplace pas la qualité de l’accompagnement pédagogique. Qui évalue ? Qui corrige ? Qui oriente ? Si certains modules sont animés par des intelligences artificielles ou des plateformes automatisées, la frontière entre transmission du savoir et consommation de contenus devient floue. Apprendre en ligne n’est pas apprendre seul, mais encore faut-il que l’encadrement soit à la hauteur.
Compétences techniques vs compétences pratiques
Un diplôme en cybersécurité obtenu depuis un smartphone garantit-il la maîtrise des enjeux critiques de ce domaine ? L’écart entre les savoirs validés sur Moodle et les attentes du monde professionnel pourrait se creuser davantage. Si la formation est allégée, les recrutements, eux, ne le seront pas. L’employabilité ne se mesure pas à la note obtenue en ligne, mais à la capacité à résoudre des problèmes concrets, à travailler en équipe, à faire preuve d’éthique et de discernement.
Un pari éducatif à surveiller de près
La formation en ligne n’est pas en soi un danger. Elle peut même être une chance. Mais encore faut-il en définir clairement les objectifs, les critères de qualité, les mécanismes de contrôle et d’évaluation, et surtout : ne pas en faire un produit marketing déconnecté des exigences académiques et professionnelles. Il ne s’agit pas d’opposer présentiel et distanciel, mais de rappeler que l’un comme l’autre nécessitent rigueur, accompagnement humain et exigence.
L’UVM ouvre une porte. À nous — enseignants, étudiants, employeurs, pouvoirs publics — de veiller à ce qu’elle ne mène pas à une éducation low-cost, où le diplôme s’obtient sans effort et les compétences, hélas, restent facultatives.