
YASMINA REGHAI
Quand le parchemin universitaire devient un produit de luxe… sans le luxe de la compétence.
Il fut un temps — souvenez-vous — où le diplôme s’arrachait à la sueur des nuits blanches, au rythme des cafés brûlants et des thés à la menthe surchargés. On se débattait alors avec des sujets d’examen plus opaques qu’un brouillard londonien. On trimait, on doutait, mais au bout du tunnel, ce bout de papier avait la saveur d’une victoire volée au savoir même.
Mais cette époque semble révolue. Aujourd’hui, la logique du « tout s’achète » a contaminé les amphithéâtres. Dans certaines alcôves feutrées de notre République éducative, le diplôme n’est plus une conquête… c’est un service premium.
Bienvenue à l’Université de la Discrétion: Ici, point de cours à suivre, ni de notes à griffonner. L’assiduité ? Démodée. Les partiels ? Option obsolète. Le mémoire ? Un fichier Word pré-rempli, parfois truffé de fautes, mais validé sans sourciller. Le vrai génie académique ? Connaître la bonne porte… ou posséder le bon portefeuille.
Licence, master, doctorat: menu à la carte.Avec mention? Stage fictif inclus? Choisissez votre formule sur mesure.
Rassurez les indécis: certains hauts responsables ont escaladé les échelons sans que quiconque ne vérifie trop scrupuleusement leurs titres. Quand la légitimité se mesure aux réseaux ou à la proximité du pouvoir, le diplôme devient un accessoire. Après tout, si l’on peut diriger une administration sans maîtriser son dossier, pourquoi pas une entreprise avec un master acheté sous le manteau ?
On croirait un scénario Netflix. Pourtant, ce marché parallèle du savoir prospère dans l’ombre. Étudiants désorientés ou pressés par la réussite, enseignants tentés par un revenu annexe, institutions fermant les yeux pour éviter les scandales…
Et surtout, l’hypocrisie collective: tout le monde sait. Personne ne parle. Par peur des vagues. Parce qu’un cousin, un voisin, « a fait comme ça ».
À diplôme discount, compétence low-cost:
Derrière l’ironie, le drame:
– Celui des étudiants authentiques, qui suent sang et larmes pour comprendre, échouer, recommencer… et voient un « acheteur » leur voler leur place.
– Celui d’un pays où le mérite se noie dans le flou, où tout CV brillant devient suspect.
– Celui d’un marché du travail engorgé… d’experts autoproclamés.
Et comme le murmurent les couloirs des recrutements: « Ce n’est pas le plus compétent qui l’emporte… mais le mieux connecté ».
Et maintenant ? L’heure des choix
Peut-être un jour le diplôme retrouvera-t-il sa sacralité. Peut-être cesserons-nous d’en faire un ticket de caisse. Peut-être oserons-nous enfin nommer l’innommable.
En attendant, aux vrais diplômés : tenez bon. Vos nuits blanches valent mieux qu’un parchemin frauduleux….
Signé: une vraie diplômée du temps où la licence était en 4 ans et la mention ne dépassait pas bien….