
Par REGHAI Yasmina
Dès le CP, au Maroc, l’avenir d’un enfant ne dépend pas de ses capacités… mais de celles du compte bancaire de ses parents. Voilà le secret le moins bien gardé de notre système éducatif. Deux écoles, deux mondes. Le public et le privé : même pays, mais pas les mêmes règles du jeu. Imaginez une course où certains partent en baskets dernier cri, coachés et vitaminés… et d’autres pieds nus, sous la pluie, avec un sac troué.
Privé : l’école qui brille (et facture en conséquence)
Dans le privé, on ne parle pas de classes, mais de cocons. Effectifs réduits, écrans interactifs, profs motivés, ambiance bilingue dès la maternelle, et cerise sur le couscous : des menus bio et des sorties pédagogiques à Marrakech. C’est l’école du marketing éducatif. Chaque trimestre ressemble à une brochure de campus international. Mais attention : derrière chaque sourire de directrice, il y a une facture. Salée. Très.
On y vend l’« excellence » comme un produit premium. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas la carte de crédit qui va avec.
Public : l’école de la débrouillardise (et de la résistance)
L’école publique ? Elle n’a pas de vitrine, juste des murs souvent lézardés. Ici, on enseigne avec les moyens du bord – et parfois sans bord du tout. Les profs, ce sont des combattants du quotidien, armés de craies usées et de beaucoup de patience. Ils jonglent avec 45 élèves par classe, des absences de manuels, et des horaires qui changent très souvent.
Et pourtant, c’est là que réside l’espoir. Un prof engagé, une classe motivée, un projet scolaire qui tient la route… et parfois, une réussite qui déjoue les pronostics.
Le grand théâtre de «l’égalité des chances»
On nous vend encore cette fable émouvante : «L’école est gratuite et ouverte à tous». Ah oui ? Sauf que dans la réalité, certaines écoles ouvrent plus de portes que d’autres. Le privé trie, sélectionne, oriente poliment les élèves en difficulté… vers le public. Ce même public qu’on accuse ensuite de tous les maux. C’est pratique, non ?
Et pendant ce temps, les lycées privés enchaînent les 100% de réussite au bac, pendant que le public rame, souvent sans bouée.
Et maintenant, on fait quoi?
Ce système ne corrige pas les inégalités. Il les reconduit, les institutionnalise, les grave dans le béton des écoles. Ceux qui peuvent payer montent dans l’ascenseur. Les autres ? Ils prennent l’escalier… quand il n’est pas déjà effondré.
Alors la prochaine fois qu’un officiel vous parle de « réformes » ou de « progrès », demandez-lui dans quelle école il inscrit ses enfants. Spoiler : ce n’est pas celle qui partage les manuels en cinq.
À méditer. Et surtout, à ne pas banaliser.
Parce que derrière chaque école, il y a une société qu’on façonne. Ou qu’on fracture.